Ludina mordit le bout de sa plume en relisant avec satisfaction la réponse qu'elle allait adresser à Dame Lanye. Assise dans l'atelier des artisans de Bree, son nouveau quartier général depuis qu'elle s'était interdit les tavernes de l'Eriador, elle soupira en cachetant le courrier. Décidément, la numéro 2 de la confrérie était balèze! C'était incontestable! Mais elle écrivait comme un porc! Même avec sa faible érudition, Ludina ne parvenait pas à faire autant de fautes et de tâches sur son parchemin.
En outre, elle en avait assez de devoir rendre des comptes sur son passé d'alcoolique, et de devoir justifier chacun des problèmes que rencontrait la section, à cause des pérégrinations diverses de ses membres: d'apparitions en disparitions, elle avait du mal à gérer plus de deux personnes fixes, les autres gravitant plus ou moins périodiquement dans ses rangs.
D'un oeil, elle contempla ses éprouvettes, constatant que la pousse de guède était en train de tourner au marron dans le distillat qu'elle préparait. Avec toute la finesse d'esprit qui la caractérisait, elle donna un grand coup de pied rageur dans l'établi, sous le regard noir du Maître des Apprentis, et jeta son épouvantable mixture dans un seau: c'était pas gagné, cette histoire! Qu'il s'agisse de teintures ou de commandement des hommes!
Pour commencer, elle envisagea une reunion des membres disponibles pour le lendemain au soir dans un endroit calme, afin d'envisager positivement tout ce qui pouvait l'être. L'objectif était simple: comprendre comment avancer de concert avec ses hommes!
D'une main assurée, elle saisit une nouvelle feuille qu'elle morcela en, quatre parties égales, et quatre enveloppes qu'elle adressa avec impatience à Sildaya l'archère, à Laucian le champion, à Durza le cambrioleur et, avec un soupçon d'espoir, à Vignus le ménestrel. Sur les papier, elle griffona: "Vous êtes prié de me faire part du lieu que vous souhaiteriez que nous investissions, pour une réunion prochaine de la seconde section des Compagnons de route. NB: tavernes et auberges interdits!"
Puis, soupirant une nouvelle fois, elle tira quelques pièces de cuivre de sa bourse, et acheta les timbres requis au postier, avant de tout expédier par la boite aux lettres.
La seconde section allait enfin prendre de l'ampleur, si seulement ils parvenaient tous à s'entendre et à tenir leurs objectifs. Ludina, une main sur la hanche, songea qu'elle avait encore du travail à accomplir avant le lendemain, et retourna à la salle des artisans...