Du sang sur le manteau immaculé

Un peu plus d’une semaine après les conseils de Nindesiel… Le Forochel... Paysage enneigé à perte de vue... les glaciers, la toundra, la végétation rare et précieuse pour l'innombrable faune... Sous l'aurore boréale, des chasseurs Lossoths erraient aux points stratégiques où passent cervidés et gibiers. Avec eux, quatre aventuriers étrangers pour les Lossoths mais très utiles dans ces terres, étaient accroupis et épiaient les moindres déplacements devant la plaine qu'ils surplombaient.

Un homme, le visage buriné par les multiples combats le soleil et le temps les yeux fixes dans lesquels on peut distinguer sa sagesse et son expérience mais aussi la souffrance et la fatigue, massait machinalement ses biceps mais personne n’auraient pu dire si les raisons étaient les courbatures, les crampes ou encore le froid. Sa brillante hallebarde reposait à ses côtés sur la neige. Le Capitaine du Gondor, Alahir restait muet et ses yeux parcouraient sans relâche au loin le moindre petit mouvement.

L'elfe a ses côtés et très proche d'Alahir est Ienor, sa belle et aimante épouse, celle qui a renoncé à la grâce des Valars pour vivre une vie mortelle auprès de son bien aimé. Ses yeux plus aguerris au pistage, de part sa race mais aussi par son rôle, distinguait le moindre frémissement anormale de chaque touffe d'herbes à plusieurs centaines de mêtres. Son arc déjà muni d'une flèche, elle restait aussi silencieuse qu'Alahir..

De l'autre côté d'Alahir, un semi-homme, le teint pâle mais l'œil vif et rieur, ne regardait plus le paysage. Le nez dans son sac mais très silencieusement, il mangeait avec grand appétit son troisième Lembas. Son amitié sincère envers le couple était sans faille, Andrago donnerait sa vie pour sauver la leur, seul le cri de son estomac pour réclamer son remplissage en bonne et due forme pourrait le faire dévier de son objectif, mais ce ne fut jamais le cas.

Non loin d'Ienor, un nain maugréait dans son coin en langage nain. La force et l'endurance incarnées, un lourd bouclier attaché solidement à son bras gauche. Rohssan attendait l'heure du fracas de son bouclier sur le nez d'un gauradan. Il trépignait et ce silence le rendait de plus en plus furieux... Il soufflait, râlait dans sa barbe lourde de neige, tapotait tantôt sur son bouclier, tantôt sur sa hache. Ce fut le premier à briser le silence :

« Par ma barbe, on va attendre longtemps comme cela, cachés sur cette colline ! Allons-y et déclarons ouvertement notre intention de les exterminer ces maudits gauradans et angmarins de cette région. Mes pieds s’engourdissent, mes mains, mes jambes, même ma hache et mon bouclier je le sens !
- Et votre cerveau aussi Maître nain, accusa à voix basse Ienor. Le froid a gelé votre boîte crânienne pour ne plus penser au danger qui réside ici, dois-je vous le rappeler ? »

Andrago eut un large sourire et on pouvait apercevoir les miettes sur ses dents. Alahir, devant ces deux scènes se mit à rire doucement, suivi d’Ienor et Andrago et pour finir Rohssan finit par rire aussi.

Les Lossoths en pleine observation se retournèrent vers les quatre aventuriers et leur jetèrent des regards accusateurs. L’un d’eux s’exclama : « Cessez donc s’il vous plaît Seigneurs ! Les gauradans et leurs loups ont l’ouïe fine et l’écho sur les montagnes renvoie vos voix jusque Zingilgund ! »

Il avait raison et le temps de l’observation était revenu. Les yeux d’Ienor s’arrêta net sur d’un loup qui dépassa d’un coup d’un bosquet chétif à environ 300 mètres : « Un loup là-bas ! Son maître ne doit pas être très loin ! Regardez le voici juste derrière. »

Le gauradan avançait tranquillement et ordonnait dans une langue incompréhensible à son loup. Le loup, la truffe au sol, reniflait sans cesse et semblait agité, ce que remarqua aussi le gauradan, alors il se pencha pour lui parler.

« Il va nous flairer dit Alahir !
- Pour sûr, répondit Ienor, je crois même que c’est déjà le cas.
Andrago rangea son déjeuner et s’arma de son bouclier à la va-vite. Rohssan était sur le qui-vive.

Tout d’un coup, le loup se mit à rugir et fonça droit vers le haut de la colline où se trouvait la troupe. « Pas de doute maintenant ! » affirma Alahir.

Le gauradan quant à lui se mit à quatre pattes et courut tel un animal sauvage et affamé, la bave aux lèvres. Rohssan n’en pouvait plus et avant que les deux bêtes arrivèrent à la moitié de la montée, il se leva en tendant son bouclier vers le ciel et d’une voix forte, il hurla son cri de défi : « BARUK KHAZAD !!! »

Le loup et le gauradan se dirigèrent directement sur Rohssan qui dévalait la pente maladroitement, la neige était bien molle ici et s’enfoncer dedans n’est pas très pratique pour un nain. Déjà, Alahir le rejoignait et Andrago et Ienor suivaient quelques mètres derrière…

Le combat fut bref mais avant de mourir le gauradan eut le temps de pousser un hurlement tel le loup sous la lune. Rohssan lui trancha la gorge avant qu’il ait pu finir : « Tais-toi, Fils de chien !
- J’espère tout au moins que ca n’attirera pas ses camarades, c’est un éclaireur donc le reste de sa troupe ne doit pas être loin… » remarqua Andrago.

A cet instant, le sol se mit à trembler à répétition, un rythme lent mais lourd… Des rugissements se firent entendre et à environ cinq cents mètres un groupe d’une dizaine de gauradans et un mammouth énorme apparut chargeant en direction des aventuriers. Les Lossoths, les yeux écarquillés, s’écrièrent : « C’est Taurahamas !!! Nous sommes perdus !!! »

Le nain eut un moment d’hésitation : « Euh ça, ce n’était pas prévu… »

Alahir, en bon capitaine, prit tout de suite les directives : « Lossoths ! Trois d’entre vous vont rester avec Ienor, emparez vous de votre arc… Douce Ienor, occupe-toi d’eux s’il te plaît !
- oui mon beau capitaine ! dit Ienor avec un clin d’œil…
- Andrago, reste aussi avec Ienor, tu auras une vision plus vaste du champ de bataille… Rohssan, je te laisse le Mammouth et garde-le loin du groupe… Moi et les 2 autres Lossoths allons nous occuper de la plupart des gauradans…Courage mes amis !!!! » Et Alahir poussa un long cri de menace envers les assaillants déjà trop proches… Deux cents mètres les séparaient…

Les gauradans avançaient vite et la vue du Mammouth d’une taille gigantesque lancé dans une charge mortelle aplatissant et déracinant tout sur son passage rendait les lossoths très nerveux.

Le choc entre gauradans et le groupe d’Alahir fut brutal sous les flèches du groupe d’Ienor. Quand le premier gauradan fut abattu, Rohssan avait commencé à harceler le mammouth furieux. Les coups de défense ne faisait pas reculé le solide nain qui criait tout type d’insulte naine afin de le provoquer.

Deux gauradans s’en prenaient à un lossoth qui ne finit par s’écrouler sous les coups rageurs des guerriers à la peau de loup. Alahir en avait trois sur le dos et les tailladait avec sa hallebarde. Ienor et les 3 autres lossoths décochaient une pluie de flèche. Ce qui rendit les gauradans de plus en plus furieux et les deux ayant fini d’étriper le lossoth tombé chargèrent directement sur le groupe d’archers. « EPEES !!! » Cria Ienor quand un gauradan lui sauta dessus.

Rohssan frappa le mammouth de toutes ses forces et son bouclier bloqua la plupart des attaques monstrueuses du mastodonte, Rohssan avait des ressources mais le mammouth aussi, malgré les multiples blessures qu’il subissait.

Deux Gauradans gisaient aux pieds d’Alahir et aider tant bien que mal le dernier lossoth de son groupe qui servait de sandwich pour les cinq gauradans autour de lui. Il ne fit pas long feu et tandis qu’un gauradan s’acharner à lui labourer le ventre de ses griffes et un autre lui saisit la tête entre ses griffes et lui arracha du reste du corps d’un geste puissant.

Ienor était à terre, on l’avait fait trébucher et Andrago se démenait pour essayer de la rejoindre. Un gauradan s’occupait de frapper Ienor et le deuxième avait pris pour cible Andrago. Il lui était impossible de soigner dans cette position là, il fallait à tout prix se débarrasser de ce gêneur.

Les lossoths se faisaient massacrer, il n’en restait plus qu’un et 7 gauradans étaient encore debout. Rohssan faiblissait sous les assauts répétés du mammouth. Ienor gisait à terre maintenant inconsciente et Andrago se protégeait au mieux mais commençait aussi à être à bout de souffle.

Les cris des gauradans redoublaient en voyant que le combat tournait franchement à leur avantage.

« RETRAITE !!! s’écria Alahir, nous partons ils sont trop nombreux…. » en finissant par saisir Ienor sur ses épaules malgré les coups de poings et de griffes des gauradans.

La poursuite fut longue et périlleuse, celle-ci fut la dernière pour le dernier lossoth qui périe transpercer par une lance.

Quand les gauradans et Taurahamas décidèrent de laisser tomber les fuyards, les quatre compagnons s’arrêtèrent pour reprendre quelque force. Les blessures étaient profondes et Andrago avec l’aide d’Alahir soignèrent le plus efficacement possible les plaies.

« Je déteste les échecs, Nom de Mahal !!! Ce Taurahamas, j’en fais mon affaire personnelle….
- Rohssan, mon ami, regarde toi tu n’es plus capable de combattre aujourd’hui ni les prochains jours !, poursuivit Andrago, remontons à Zigilgund, allons nous réchauffer là-bas…

Alahir ne put que l’admettre en regardant avec inquiétude l'état de sa bien aimée. "Ne t'inquiète pas Alahir, elle est aussi solide et entêtée que toi" rassura Andrago avec un clin d'oeil.

Quand Ienor reprit ses esprits et après s’être que tout le monde allait bien, les compagnons partirent tête basse, le moral dans les chaussettes. Il fallait maintenant annoncer la perte des chasseurs aux Lossoths. Mais une autre nouvelle les attendait au poste avancé de Zingilgund….

Zingilgund, le poste avancé des nains semblait jaillir de la neige, une flèche de pierre taillée selon l’art nain au motif géométrique bien définissable. Le froid avait transi les quatre compagnons et ils se réjouissaient déjà d’approcher un feu et de s’y éterniser.

« J’ai l’impression que mes os vont se briser ! Andrago, le manteau couvert de neige et l’estomac aussi vide que sa bourse, n’en pouvait plus. Saperlotte, ce pays m’est aussi repoussant que l’Angmar !
- Cesse de te plaindre Andrago, répliqua d’un ton agacé Rohssan, tu n’as pas cessé depuis notre repli devant Taurahamas.
- Mais j’ai de quoi, insista le hobbit affamé, je n’ai pas la réserve graisseuse du nain, la résistance de l’elfe et le courage de l’homme. Je ne suis qu’un hobbit chétif qui n’a pas mangé depuis au moins 8 heures et c’est un exploit pour les représentants de mon espèce. Même mon vieux poney est éreinté.
- Cessez de vous chamailler, la Légion, intervint Ienor. A quoi sert-il de vous agacer l’un l’autre alors que dans moins d’une heure nous serons devant un bon feu avec la nourriture à satiété. Garder vos dernières forces pour terminer notre voyage.

A leur arrivée, ils échangèrent leurs vêtements contre des plus chauds, restèrent un bon moment devant un feu bien nourri et s’installèrent à table pour prendre leur dîner (le 3ème pour Andrago).

Le silence régnait à table et chacun dévorait les multiples mets présents. Quand la porte s’ouvrit d’un coup et apparut Hadur, un nain chargé de s’occuper du confort des compagnons.

« Maîtres, maîtres !!! J’ai une nouvelle urgente à vous annoncer !
- Quelle est-elle ? demanda Alahir
- La Moria ! La Moria ! Certains ont découvert le passage qui mène aux mines de nos cousins…. Même si cela demeure encore assez secret, nous avons appris qu’au-delà des mines dans le Rhovanion les oreilles pointus auraient éventuellement des personnes telles que vous… Des orcs et des gobelins sèment le trouble et la terreur. Et Elrond le Semi-Elfe requiert votre venue car il doit vous parler dans les plus brefs !
- J’irais au plus vite possible, répondit immédiatement Rohssan. Wouaaaaaaah la Moria ! Depuis le temps que je dois rendre visite à mes cousins sous la montagne et Balin… Héhé ce bon vieux Balin, il me tarde de le revoir !
- Ce sera sans moi, du moins pour le moment, dit Ienor ! Déjà me retrouver sous des milliers de tonnes de roches, ça ne me plait guère et en plus j’en ai plus qu’assez d’être reçu par des nains à la barbe sale. J’ai d’autres choses à faire qui plus est.
- Idem pour ma part, répondit Alahir, j’ai un tas de petites choses mises de côté qu’il faut que je prenne en compte avant de partir dans l’Eregion… Ma route ira vers l’Evendim, je dois parler à Longrameau…
- Je te suivrai, cher ami Capitaine du Gondor, répondit Andrago. J’ai effectivement aussi des petites affaires à régler là-bas… Nous chevaucherons donc à deux, mais avant je vais rejoindre quelques temps mon pays natal, ma Comté… Rohssan digne représentant de la Légion ira en Eregion, c’est une bonne chose…
- Je dois en parler à Yamathorin et Blandir, je suis sûr qu’ils me suivront dit Rohssan, je partirai dans deux jours. Bonne nuit, compagnons, que la barbe vous pousse longue et drue…

Ienor fit la grimace et leva les yeux au ciel : « Bah voyons…. Ah ces nains ! »

Andrago s’étira et frotta son ventre en regardant le couple en face de lui : « Je vais vous avouer que je ne suis pas partisan pour me rendre en Eregion avant un moment. Je ne connais pas cette région mais j’aimerai terminer la plupart des quêtes que j’ai commencées en Eriador avant de me lancer dans de nouvelles aventures. Non pas que je ne veuille point venir mais Je tiens à tenir certaines promesses que j’ai faites… D’autres ont encore besoin de moi ici ! Sur ce, je vous laisse tranquille et vous souhaite une bonne nuit !

- Bonne nuit, mon Andy sourit Ienor
- Bonne nuit, Maître Ménestrel répondit Alahir.

La nuit, les étoiles, l’aurore boréale, Andrago se tenait sur le balcon de sa chambre les yeux fixés dans le vide en machouillant une pomme… Le jeune couple était parmi de ce qu’il tenait de plus au monde, et puis Raghnor qui était prêt à se marier aussi… Andrago se sentit la nostalgie de ne pas avoir de Dame hobbit à chérir, à aimer… Il y eut bien cette jeune et belle Annadona mais celle-ci s’en est allé vers d’autres aventures auprès de son promis…

Andrago se retourna et se dirigea vers la cheminée ou il y remit deux bûches et s’enfonça dans son lit, la Comté lui manquait mais le sentiment d’être seul devint plus fort… Il s’endormit le cœur lourd mais il savait que les plaines de sa région lui feront oublier cela…